Si chaque examen, chaque concours comporte son épreuve reine, le grand oral du CRFPA fait partie de ces épreuves tant redoutées.

Le Grand oral est un exposé-discussion et comporte par conséquent deux parties. Le candidat doit préparer pendant une heure un sujet déterminé qu’il exposera pendant 15 minutes devant le jury. Puis, s’ouvrira le temps de la discussion pendant 30 minutes.

Concernant l’exposé, il s’agit de reprendre la forme juridique d’une introduction et d’un plan en deux parties et deux sous parties afin de traiter le sujet à l’aune des libertés fondamentales. Ces 15 minutes doivent être utilisées au maximum mais un exposé autour de 12 minutes peut suffire. Il ne s’agit pas d’un traitement purement technique du sujet, mais de bien montrer les tensions entre les différentes libertés qu’il suggère. Par exemple, si on favorise la liberté d’expression ou l’ordre public, alors la vie privée ou le droit à l’honneur peuvent être atteints.

Concernant la discussion, il faut prendre le terme discussion au pied de la lettre. Il ne faut surtout pas que cette période se résolve en un jeu de questions-réponses. Le jury doit évaluer la faculté d’analyse, le comportement physique, l’élocution et l’éloquence du candidat. Des réponses sèches ne le permettent pas. Des réponses courtes appellent au contraire plus de questions. C’est un ratio à maîtriser. Plus vous prenez de temps à répondre à une question, moins vous aurez de questions. Moins elles sont nombreuses, moins vous avez de chance d’être dans une impasse. Il faut prendre de la place et ne pas la laisser trop au jury.

Affublée d’un coefficient 4, craint par sa solennité et les aléas d’un oral face à un jury, le Grand oral est pourtant relativement laissé pour compte dans la préparation des étudiants et pour cause.

Son positionnement dans le mécanisme admissibilité/admission fait repousser son apprentissage et son appréhension par les étudiants. Ceux-ci préfèrent, à juste titre se concentrer pendant deux, trois ou quatre mois sur leurs écrits puisqu’en dehors d’un succès à l’admissibilité, à quoi bon travailler son oral ? Oui mais voilà, l’architecture du calendrier des épreuves n’encourage pas les étudiants à se préparer correctement. L’énergie fournie quasi-exclusivement aux consultations et à la note de synthèse éprouve les capacités de travail des impétrants. A tel point, qu’à la fin des épreuves écrites, seul un petit nombre conserve une motivation nécessaire pour reprendre un rythme de travail. De plus, si la motivation est présente, le doute corrompt le reste. Les résultats des écrits n’interviendront que fin octobre, soit quelques semaines avant un passage éventuel. Dans une telle situation, comment conserver sa détermination face à l’examen ? Comment trouver le courage et l’énergie pour se replonger dans une masse de travail plus que conséquente sans passer pour un Sisyphe de l’examen du CRFPA ? Comment surpasser l’idée d’un échec potentiel ?

  • Conseil n° 1 : Organiser ses révisions

A cela, une seule réponse : la mécanique. Le passage par une organisation du travail et une fixation des objectifs sur un programme déterminé. Les manuels de libertés, les polycopiés sont autant d’outils qui permettent de délimiter le programme. S’ils sont toujours insuffisants face aux questions parfois « hors programme » du jury, ils seront nécessaires pour parvenir à des réponses acceptables. Il faudra alors diviser son temps restant en nombre de chapitres déterminés pour connaitre l’ampleur d’une journée de travail et l’objectif journalier à réaliser sur le programme.

Le programme d’ailleurs, parlons-en ! Le texte, dans sa subtilité, évoque les libertés fondamentales et la culture juridique. Autant dire, vers l’infini et au-delà. La réalité du programme porte effectivement sur le droit des libertés fondamentales qui sont au fondement du reste. Autant dire que tout le droit est mobilisé. L’ajout « culture juridique » permet de clarifier le domaine encyclopédique qui est visé. Aux libertés, ajoutons alors de la procédure pénale, administrative et civile. Mais encore, le droit constitutionnel sans lequel, le droit n’existe pas. Mais aussi, le droit de la preuve, la philosophie du droit…

  • Conseil n° 2 : Bien comprendre l’essence de l’épreuve

Certes, mais nous ne pouvons nous contenter de cela. En effet, le programme gigantesque reviendrait à assimiler les révisions au tonneau des Danaïdes ou à la toile de Pénélope. Une telle vision de l’examen serait contreproductive et anéantirait les meilleures volontés. Quelles que soient les questions posées, ce sont bien les réflexes juridiques des étudiants qui sont évalués et non leurs capacités à réciter un code tel un singe savant. Les capacités de qualification, d’analyse, l’aptitude à revenir aux fondements du droit permettent d’obtenir des réponses solides même si elles sont parfois juridiquement fausses. Les connaissances acquises, même si elles ne sont pas complètes permettent d’apprécier un raisonnement et la valeur du candidat. Il est même arrivé que l’on reproche à une étudiante trop bien préparée d’être trop parfaite. C’est justement face à l’adversité de la question qu’on évaluera le futur professionnel. Votre vocation est celle d’un avocat qui ne tranche pas contrairement au juge, mais qui propose des solutions. Si les grands principes sont acquis, alors les réponses découlent naturellement. Par exemple, lorsque l’on a bien compris que le juge judiciaire est requis pour éviter les détentions arbitraires, dès lors qu’une atteinte trop importante à la liberté individuelle survient, c’est un magistrat du siège qui est compétent. Inutile de déclamer le Code de procédure pénale. La réflexion suffit.

Il faut bien comprendre que « questions et réponses » se placent sur une dualité de l’esprit. Pour répondre à une question, il est nécessaire de maîtriser ce que les écrits nous apprennent. Il s’agit d’un va-et-vient constant entre l’abstraction et la concrétisation. Le syllogisme employé dans les consultations de l’admissibilité doit permettre de répondre aux questions. Si l’on est trop dans l’abstrait, on pensera que le candidat est trop théorique et absolument pas prêt à mettre les mains dans le cambouis judiciaire. S’il est trop concret, la discussion tournera trop vite à des banalités du type « café du commerce » par un échange d’opinions sans fondements. Cela reste une technique à maîtriser. Pour ce faire, les révisions doivent prendre en considération ce paramètre du Grand oral. Certes, nous avons parlé du domaine de révision. En cela, il est très scolaire et laisse peu de place à la concrétisation sauf à bien reprendre les jurisprudences des différentes juridictions.

  • Conseil n° 3 : Suivre l’actualité

Les révisions doivent également intégrer une partie d’actualité. Finalement, les questions qui seront potentiellement posées porteront sur les derniers évènements qui ont marqué l’actualité. Le jury n’est pas nécessairement un spécialiste du cours de libertés. Le professeur, peut-être. Le magistrat, pas sûr. L’avocat, s’il se souvient qu’il a été à votre place. En tout cas il est douteux qu’ils aient réouvert un manuel avant de siéger. Les questions peuvent alors porter sur des grands principes, mais aussi sur des actualités ou encore sur des problématiques de leur quotidien judiciaire. A l’étudiant de rebondir sur ces faits pour les rattacher au droit. Il faut maximiser ses connaissances historiques et de culture générale pour valoriser son propos.

  • Conseil n° 4 : S’adapter à son jury

Le jury est versatile. Il y a autant de conceptions du Grand oral, que de membres du jury. L’appréciation de vos qualités peut varier. Il faudra alors anticiper les desiderata en temps réel. Certains apprécieront des étudiants scolaires sans originalité dans leurs réponses avec des questions purement académiques. Dans ce cas, les questions posées seront assez faciles. D’autres préféreront pousser les étudiants dans leurs retranchements avec des questions techniques, dont la réponse sera toujours incertaine. Certains apprécieront des étudiants manifestant un caractère combatif, refusant par tous les dieux de prononcer la phrase : « Je ne sais pas » ; d’autres se contenteront d’un aveu insatisfaisant mais franc des limites de leur savoir. Après tout, on ne peut pas tout savoir. 

Quel que soit le jury, il faudra s’adapter. Ne pas se laisser faire et tenter de percevoir s’il nous manipule. La position du « poker face » reste la plus adaptée nous dirait Lady Gaga. Ne rien laisser transparaitre face au jury qui tel un animal féroce se mettrait à mordre s’il perçoit la peur du candidat. On ne rit pas avec le jury, on ne pleure pas avec lui. On reste impassible.

Laurent Malka

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